Les satellites naturels, aussi appelés « lunes », peuvent être divisés en deux catégories : les satellites réguliers et les satellites irréguliers.
Les satellites réguliers se forment dans un disque circumplanétaire, dont l'orientation résulte d'un équilibre entre l'attraction du renflement équatorial de la planète et l'attraction du Soleil. Après leur formation, les satellites réguliers restent proches de ce plan d'équilibre (appelé « plan de Laplace ») à moins que leurs orbites soient perturbées par un agent extérieur.
Les satellites irréguliers sont des corps du Système solaire qui ont été capturés par la planète après sa formation. Ils sont donc généralement petits, et leurs orbites peuvent avoir n'importe quelle orientation.
En raison de la dissipation d'énergie due aux effets de marée entre une planète et ses satellites, les orbites des satellites naturels s'élargissent ou se contractent au cours du temps (on dit que les satellites « migrent »).
Dans le cadre du projet mené par Stéfan Renner sur les satellites de Saturne, nous avons montré qu'un recouvrement de résonances dans le mouvement des satellites Atlas et Prométhée est source de chaos [i].
Contrairement aux autres satellites réguliers de Saturne, Japet a une inclinaison orbitale élevée par rapport au plan d'équilibre de Laplace. Au cours du projet de William Polycarpe, nous avons découvert que la migration du satellite Titan permet d'expliquer l'inclinaison anormale de Japet par le biais d'une résonance orbitale traversée il y a plusieurs dizaines de millions d'années [viii].
Cependant, Japet aurait eu toutes les chances d'être éjecté du système si Titan n'avait pas migré suffisamment vite. Nos résultats imposent donc une borne inférieure à la vitesse de migration de Titan. En 2020, Valéry Lainey et ses collègues ont confirmé ces résultats en apportant la preuve observationnelle de la migration rapide des satellites de Saturne (pour en savoir plus, lire la lettre d'information n°170 de l'IMCCE).
Dans le cadre d'un travail mené avec Giacomo Lari, nous avons montré que la dynamique d'une lune en migration est intimement liée au mouvement de l'axe de rotation de sa planète (voir la rubrique Axes de rotation). Si l'axe de la planète est piégé en résonance, ce qui est probablement le cas de Saturne, alors le système converge vers une configuration instable [xvii].
Par le biais de ce mécanisme générique, Titan pourrait être fortement déstabilisé dans le futur, jusqu'à être éjecté ou entrer en collision avec Saturne. La vitesse actuelle de migration de Titan indique que cet événement n'arrivera pas avant plusieurs milliards d'années. Cette instabilité pourrait également avoir joué un rôle dans l'inclinaison de l'axe d'Uranus [xix].
Les quatre satellites principaux de Jupiter (Io, Europe, Ganymède et Callisto) présentent une configuration unique dans le Système solaire : pendant que Ganymède fait un tour sur son orbite, Europe en fait deux et Io en fait quatre. Par le biais de cette résonance, les dissipations d'énergie se propagent entre les différents satellites, ce qui rend leur migration orbitale particulièrement complexe.
Je suis impliqué dans un projet mené en collaboration avec Giacomo Lari et Marco Fenucci (Italie) sur l'évolution à long terme des satellites de Jupiter. Notre étude s'inscrit dans la préparation de la mission spatiale JUICE de l'ESA.
Pour un modèle de dissipation donné, nous avons montré qu'au cours des prochaines centaines de millions d'années, Io, Europe et Ganymède migrent de concert et se rapprochent de Callisto, jusqu'à ce que cette dernière soit elle-même piégée en résonance [xiii]. Cependant, par le biais d'un mécanisme appelé « tidal resonance locking », la lune Callisto de Jupiter pourrait migrer beaucoup plus rapidement que ce qui était admis jusqu'alors. Dans ce cadre alternatif, nous avons montré qu'une migration rapide de Callisto est compatible avec les positions actuelles des lunes de Jupiter, mais que ce scénario n'est pas le plus probable [xx].
Contrairement aux idées reçues, la résonance actuelle entre Io, Europe et Ganymède n'est pas le résultat d'une chaîne de deux résonances (Io-Europe et Europe-Ganymède), mais bien d'une résonance à trois corps « pure » faisant intervenir les trois satellites [xxiv]. Ces résultats ont des conséquences fortes sur le processus de formation des satellites galiléens et leur évolution jusqu'à leur état actuel.
Dernière mise à jour : 11/2024.