Le vent solaire est principalement constitué d'électrons et de protons éjectés à très grande vitesse (plusieurs centaines de kilomètres par seconde) depuis la haute atmosphère du Soleil. Ce plasma interagit avec l'atmosphère et le champ magnétique des corps du Système solaire.
Dans le cas des comètes, le noyau n'a pas de champ magnétique intrinsèque et son atmosphère, générée par activité cométaire, n'est pas liée gravitationnellement et s'échappe dans l'espace. Cet échappement continu d'éléments neutres, qui sont progressivement photo-ionisés, résulte en une région d'interaction extrêmement vaste entre le vent solaire et l'atmosphère cométaire.
L'interaction entre le vent solaire et la coma ayant des effets significatifs à grande distance du noyau cométaire, le suivi de la dynamique du vent solaire fournit une mesure indirecte de l'activité de la comète sans qu'il soit nécessaire d'aller l'explorer de près. Cela nécessite néanmoins d'avoir une bonne compréhension des mécanismes en action, ce qui fait l'objet du projet initié par Etienne Behar et dans lequel je suis impliqué.
L'instrument RPC-ICA à bord de la sonde Rosetta de l'ESA a mesuré la vitesse et la direction des ions solaires et cométaires autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Les observations montrent que le flux de protons solaires n'est presque pas décéléré (400 km/s en moyenne), mais qu'il est de plus en plus défléchi à mesure que l'activité cométaire augmente. Après une déflexion maximum voisine de 180°, l'instrument n'a plus détecté de particules solaires pendant un intervalle de plusieurs mois avant et après le passage au périhélie. Chacune de ces observations a été une surprise pour la communauté scientifique, habituée à l'étude des comètes très actives et à proximité de leur périhélie, au voisinage desquelles le vent solaire est fortement décéléré et forme un choc d'étrave.
Le régime de faible activité cométaire, essentiellement non-collisionnel, nécessite une modélisation particulière dite « cinétique », qui se distingue des modélisations « fluides » utilisées précédemment. Un modèle analytique simplifié permet de relier les propriétés des protons solaires mesurées par RPC-ICA aux caractéristiques instantanées du noyau cométaire [ix]. Le flux continu de protons solaires crée naturellement une structure en densité asymétrique ainsi qu'une cavité centrale totalement vide de particules [vii].
Nous retrouvons la déflexion sans décélération du vent solaire, ainsi que la cavité centrale dont le rayon dépasse l'orbite de la sonde Rosetta lorsque la comète est proche de son périhélie, d'où l'absence de signal détecté par l'instrument. À l'aide du modèle analytique, les données RPC-ICA permettent un suivi continu du taux de dégazage de la comète au moyen d'un paramètre d'échelle unique [vi]. Ces résultats pourraient s'appliquer aux autres corps non magnétisés du Système solaire possédant une atmosphère ténue faiblement liée gravitationnellement, tels que Pluton ou les centaures.
Dernière mise à jour : 11/2024.